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Les chances et défis d'une économie des données européennes

Durée de lecture: 7 Minutes 20.09.2024 Actualités & Tendances

Réflexions sur le Data Act de l'UE et le Manufacturing-X

L'industrie se voit confrontée non seulement à des sujets captivants, mais aussi à des défis, comme le Data Act de l'UE et le Manufacturing-X. Explorons ce sujet avec Michael Finkler, directeur du développement commercial du groupe proALPHA. 

Un article d'Eugen Albisser, rédacteur en chef « Technik und Wissen » (« Technique et science »)

La durabilité, l'European Data Act, Gaia-X, Catena-X, Manufacturing-X ou encore l'intelligence artificielle : quiconque souhaite suivre tous ces développements politiques et associatifs actuels, pertinents pour l'industrie, en aura pour des jours.

Et il finira par se demander : qu'avons nous fait pendant ces dix dernières années ? N'avons-nous pas numérisé nos processus comme des champions ? Pourquoi existe-t-il encore tellement de questions sans réponse et de défis aussi complexes non résolus ?

Michael Finkler, directeur du développement commercial du groupe proALPHA, considère les efforts entrepris jusqu'à présent avec un scepticisme lucide. D'après son point de vue, l'industrie aurait été trop axée sur l'Industrie 4.0 et la production, mais sans grand succès : « Avec le recul, l'on peut dire que nous avons perdu dix ans. L'Industrie 4.0 a été une grande campagne de marketing, mais en somme, elle n'a pas donné beaucoup de résultats. »

Améliorer la compétitivité européenne

Michael Finkler résume en une phrase concise les manquements en matière de numérisation des dernières années : « Sans une économie des données commune, les projets de numérisation ne feront que gratter la surface et ne franchiront pas le seuil de la propre usine. » 

C'est pourquoi l'on est maintenant décidé à relever ce défi. Le Data Act de l'UE est déjà entré en vigueur le 11 janvier dernier, règlement visant à mettre en œuvre des changements importants dans la création et le traitement des données. Cette loi adoptée par le Parlement européen constitue la base légale de l'échange des données.

Son objectif est d'améliorer la compétitivité des entreprises en Europe grâce au partage des données et de développer une économie des données leader à l'échelle mondiale. 

« Environ 80 % des données industrielles ne sont pas encore exploitées, ce qui correspond à un volume d'environ 270 milliards d'euros de valeur ajoutée supplémentaire d'ici 2028. Il est donc essentiel d'exploiter cette valeur ajoutée supplémentaire en partageant les données et en générant de la valeur ajoutée numérique », explique Michael Finkler.

À partir de 2026, cette loi deviendra contraignante pour tous. « Chaque fabricant de machines mais aussi d'appareils B2C,  tels que les trackers de fitness, devra dès lors fournir aux utilisateurs toutes les données générées lors de leur utilisation, sous une forme lisible et en temps réel », explique Michael Finkler.

Il s'agit bien entendu d'un défi de taille pour les constructeurs de machines, car les données devraient également contenir des informations pertinentes pour la concurrence. De plus, l'utilisateur de la machine peut aussi vendre ou partager ces données. « Il faut cependant souligner lque tout cela est encadré par un vaste ensemble de règles, dont la plus importante est l'accès équitable et sécurisé aux données », explique Michael Finkler à ce sujet.

Rendre les entreprises plus résilientes et durables

Cependant, le Data Act de l'UE ne doit pas être considéré de manière isolée. Il pose les jalons de diverses initiatives X, comme le Manufacturing-X, Catena-X, Gaia-X ou Factory-X. De nombreuses entreprises, instituts de recherche et associations font partie de ces projets phares et collaborent étroitement sur le développement d'une infrastructure de base et de solutions standardisées supplémentaires.

L'industrie automobile, par exemple, est déjà bien avancée avec Catena-X. Il y existe des espaces de données fédératifs par le biais desquels les données seront à l'avenir échangées selon des règles et des procédures définies. Chaque utilisateur qui exploite sa machine peut mettre à disposition les données issues de l'utilisation et inciter ses prestataires de services à en faire le meilleur usage possible ou à les vendre sur une place de marché de données. 

« C'est ça l'avenir et les grandes entreprises l'ont déjà reconnu », affirme Michael Finkler, tout en résumant : « Le Manufacturing-X doit permettre aux entreprises industrielles de créer de la valeur ajoutée par le biais de leurs données, d'être plus résilientes et plus durables, et ce sur tout le territoire. De cette manière, l'économie européenne devient plus compétitive, une valeur ajoutée supplémentaire est générée à partir des données et une infrastructure de production durable est mise en place. Sans un espace de données fédératif interentreprises, la détermination de données CO2 spécifiques aux produits et les prochaines étapes vers une économie circulaire durable, par exemple, sont loin d'être atteintes. »

Des PME encore réticentes

Malgré les efforts considérables et l'implication intense de nombreuses entreprises dans cette thématique, il reste actuellement un bémol : seules peu de PME sont représentées dans ces initiatives. « C'est une situation défavorable, car si nous voulons mettre en œuvre rapidement de telles initiatives, tout le monde doit jouer le jeu. Nous devons être en mesure de mettre en œuvre rapidement cette approche très révolutionnaire, de la mettre à l'échelle et de l’introduire dans l'économie », opine Michael Finkler.

Cependant, le manque de ressources personnelles des PME et leur scepticisme vis-à-vis de l'échange de données pourrait présenter un obstacle. 

Car une chose est sûre : le Data Act de l'UE oblige les constructeurs de machines et d'installations à changer leur manière de penser. « Cette loi à un impact profond sur la compréhension actuelle des fabricants de machines et d'installations quant à la manière dont les données collectées doivent être traitées », écrit par exemple l'association professionnelle VDMA dans une étude. Selon ce document, le Data Act contiendrait « des « nouvelles prescriptions obligatoires concernant la conception technique des machines et des installations et accorde à leurs utilisateurs un droit d'accès aux données des machines ». En même temps, il offrirait l'opportunité « de transformer un constructeur de machines et d'installations en un prestataire de services agissant indépendamment des fabricants et des secteurs, afin de relever des défis tels que la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, de diversifier les sources de revenus et de renforcer la proximité avec le client. »

En fin de compte, toutes les entreprises devraient bénéficier des données. De plus, les entreprises gardent malgré tout certaines libertés et sécurités : « Les espaces de données fédératifs ne signifient pas que toutes les données sont collectées, mais que les données sont référencées. Il existe des directives réglementaires strictes et les utilisateurs peuvent décider quelles données doivent être disponibles pour une certaine période et qui peut y accéder. Ces espaces de confiance sont réglementés par la loi et offrent plus d'opportunités que de risques », explique Michael Finkler, tout en ajoutant : « Nous avons une chance unique de faire de l'Europe la première puissance économique numérique, tout en augmentant considérablement la compétitivité et la résilience des entreprises. Ceci a été dès le départ l'objectif déclaré de l'Union européenne lors de la préparation de l'EU Data Act. »

 

 

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À propos de Michael Finkler

Michael Finkler est responsable du développement commercial du groupe proALPHA qui compte actuellement 2 200 collaborateurs au monde entier.

Il est aussi responsable des coopérations avec d'importantes institutions de recherche et associations.

En tant que président du conseil d'administration de la plus grande association professionnelle VDMA « Logiciels et numérisation », il fait progresser des thèmes tels que Manufacturing- et Factory-X.

En tant que cofondateur et président du conseil d'administration, il a développé la société ALPHA Business Solutions AG depuis 1994, et a supervisé sa fusion avec le groupe proALPHA en 2015.

*Cet article a été rédigé sur la base d'une conférence que Michael Finkler a donnée lors du congrès SMM 2024 et d'une série d'articles qu'il a rédigés à ce sujet.